Conférence du 26 janvier 2017
Le Merlan - scène nationale de Marseille
Croisade. Mot progressivement devenu mythe, depuis qu’en 1095, le pape Urbain II exhorta les chrétiens d’Occident à prendre la croix afin d’aller libérer leurs frères d’Orient et Jérusalem du joug sarrasin. Bientôt, des foules immenses s’ébranlèrent. Hommes et femmes, chevaliers et autres soldats, artisans, paysans et manants se mirent en marche, persuadés d’accomplir un acte de foi et de dévotion qui les rapprocherait du Christ, et rêvant parfois de s’emparer des richesses de l’Orient. La route fut longue et ardue. De nombreux croisés succombèrent au froid, à la soif, à la faim et aux combats. En juillet 1099, ceux qui parvinrent à Jérusalem la prirent par la force.
La première croisade s’achevait. D’autres expéditions s’ensuivirent, qui mobilisèrent d’autres masses décidées, lorsqu’elles ne prenaient pas Constantinople ou Tunis pour cible, à secourir des Latins d’Orient désormais pressés par les musulmans. Ces derniers avaient progressivement appréhendé la croisade dans toute sa singularité. Ils avaient réagi, sous la conduite de chefs de guerre ambitieux soutenus par des hommes de religion heureux de les voir prétendre incarner le djihad. Peu à peu, ils réduisirent à peau de chagrin les États latins que les premiers croisés avaient créés, comtés d’Édesse et de Tripoli, principauté d’Antioche et royaume de Jérusalem. En 1291, la chute de Saint-Jean d’Acre sonna le glas de la présence latine en Orient.
L’histoire de la Méditerranée est intimement liée à aux croisades. C’est alors qu’elles se succédaient, de la fin du XIe siècle au XIIIe siècle, que les chrétiens d’Occident s’y affirmèrent comme les interlocuteurs incontournables et les concurrents redoutables des Byzantins et des musulmans. C’est alors que les appels à combattre au nom de Dieu se multipliaient que le commerce y connut un essor sans précédent. Guerre particulière en ce qu’elle était menée au nom de la religion et mobilisait des hommes de toute condition, la croisade fut, comme toute les guerres, grosse d’interaction et d’échanges culturels. À des degrés certes divers, les hommes et les sociétés qui se combattaient avec force apprirent progressivement à mieux se connaître et, parfois, à se mêler.
Dans cette conférence, Abbès Zouache et Khaled Kchir invitent à réfléchir à cette histoire et à ses échos immédiats et lointains. Car comment ignorer que l’idée de croisade ne disparut pas suite à la chute de Saint-Jean d’Acre ? Cette idée et celle suivant laquelle les musulmans devaient lutter à jamais contre l’ennemi chrétien au nom du djihad survécurent. Certes dénigrées et parfois assoupies, elles furent ponctuellement agitées et ravivées, tout au long de l’histoire, par des conquérants, des imprécateurs et des idéologues invitant à humer le doux parfum d’un étendard dont ils n’avaient que faire qu’il fût tâché de sang.